Date : | 16/05/2019 | Difficulté : | Difficile |
Accompagnateur : | J.-P. Blanchet | Coordonnées UTM : | |
Participants : | 9 | Départ : | 31T 733841 4930119 |
Longueur : | 18,9 km | Pique Nique : | 31T 735240 4933653 |
Dénivelée : | 1240 m | Difficulté IBP index : | 124 |
Carte IGN TOP 25 n° : | 3338 ET | ||
Position par rapport à Buis-les-Baronnies : | 58 km ENE |
Commentaires techniques :
en attente ...
Compte-rendu :
C’est où, Céüse ? C’est loin, Céüse ? Il a fallu se lever aux aurores pour prendre la route de Sigoyer (05130), point de départ de notre randonnée du jour… Mais il est des randonnées qui se méritent, la sortie d’aujourd’hui en fait partie. Cela explique peut-être que nous ne soyons que 11 participants pour cette belle boucle qui nous éloigne du cœur de nos Baronnies. Nous prendrons donc le départ au Col des Guérins (1300 mètres), au pied de cette impressionnante falaise (« synclinal perché » selon les spécialistes) en forme de fer à cheval, sur laquelle viennent se faire peur les amateurs d’escalade et de via ferrata. Alors, c’est fort, Céüse ? Nous commençons à évaluer les efforts que nous aurons à fournir avant de profiter d’un large point de vue sur la vaste et large vallée où se développent d’immenses vergers d’arbres fruitiers.
Et c’est haut, Céüse ? Le sommet de cette montagne du Pays de Buëch, prolongement naturel des Baronnies provençales, est le Pic de Céüse (bien entendu) qui culmine à 2016 mètres… Ce sera notre Graal : aujourd’hui Viviane ne sera pas notre fée bienveillante mais la photographe qui immortalisera notre exploit ! Reste maintenant, tel Lancelot partant délivrer la forteresse de la Douloureuse Garde, à « avaler », sans potion magique, plus de 1000 mètres de dénivelée annoncés.
Jean-Pierre sera notre guide du jour. Dès le départ, la pente est exigeante : longeant le Torrent de Baudon, un étroit sentier nous mène au pied de la paroi, soit 350 mètres de dénivelée pour atteindre, après quelques lacets, un chemin humide et verdoyant. Notre première récompense sera, en effet, outre les remontants et vitamines habituels, un long replat suivant approximativement la courbe de niveau (environ 1660 mètres), où de nombreuses fleurs de printemps ont éclos. Nous pouvons y progresser en profitant de la fraîcheur et du calme de cette nature qui revit : fritillaires à la robe grenat tachetée, hépatiques mauves, blanches renoncules... percent et enjolivent le sentier. Arrêt auprès d’une source au chant reposant. Quelques fenêtres s’ouvrent sur la vallée et le Gapençais. Puis le sentier s’élargit, devient piste forestière. D’énormes engins de chantier auprès desquels nous paraissons minuscules sont à l’oeuvre. Ces monstres d’acier soulèvent comme fétus de paille des grumes longs comme les mâts des grands voiliers d’antan.
Nous parvenons au poteau qui nous indique la direction à prendre pour l’ascension vers le Pas du Loup, notre prochaine étape. Ce qui nous attend maintenant sera le morceau de bravoure : un sentier à flanc de falaise dont la partie finale est équipée de câbles de main-courante. La vue est splendide et impressionnante, mais il est prudent de surveiller ses pieds. Le sentier est parsemé de nombreuses fritillaires, cette tulipe sauvage caractéristique de nos montagnes des Baronnies et du Buëch. Il s’agit vraisemblablement de la fritillaire pintade (fritillaria meleagris), la plus courante chez nous mais protégée, dont la robe tachetée est reconnaissable. Le sentier devient plus étroit… Un premier tronçon équipé de la main-courante vient nous sécuriser car il n’y a plus vraiment de sentier, juste la largeur des pieds… Céüse, c’est dur ! Prenons néanmoins un peu de temps pour souffler, regarder au loin, lever les yeux… Ciel ! Que c’est haut. Mais Céüse, c’est beau ! Superbe ! La dernière partie de l’ascension nous fera même goûter le plaisir (mais oui)) de fouler la neige encore présente au Pas du Loup (1880 mètres).
C’est là que nous poserons nos sacs pour la pause-déjeuner, la bienfaisante biasse du randonneur. Le soleil a disparu, un vent froid s’est levé : au ras du sol, il fait meilleur. Un point de vue remarquable s’offre à nous sur le Gapençais : au loin l’agglomération de Gap, de nombreux villages industrieux, un réseau dense de voies de communication et de cours d’eau descendus des sommets alentour. Pas question de nous assoupir, il reste encore à atteindre le sommet. Jean-Pierre donne le signal et nous ré-attaquons la pente dans une prairie dont la neige a écrasé l’herbe encore jaunie. De petites gentianes ont percé de place en place, nous offrant leur bleu profond comme les yeux d’une nymphe qui voudrait nous ensorceler de sa beauté mystérieuse. La troupe s’égaille pour trouver le meilleur itinéraire car l’ascension finale, assez courte, est encore rude, surtout après le pique-nique. En crête, nous continuons de découvrir cet immense panorama : qui reconnaîtra telle ou telle localité ? Le sens de l’orientation nous fait parfois défaut : Veynes ? Pas de chance, c’est Gap. Tallard ? Pas de veine… c’est Veynes, ou un autre village.
Le Pic de Céüse, enfin : une vue à 360°, des montagnes parfois enneigées, parfois dans la brume. Les remontées mécaniques de la petite station de ski de Céüse 2000 montent jusqu’ici. La vaste prairie, zone de pastoralisme en été, y offre des pistes larges propices à de belles descentes. Quant à nous, il nous reste à redescendre à pied. Nous nous dirigeons vers le Ruisseau d’Aiguebelle. Les vastes pelouses ont des allures de toundra. La richesse de la flore et la diversité géologique, en limite du Dauphiné et de la Provence, en ont fait un territoire d’intérêt environnemental exceptionnel. Ce paysage austère, ne manque pas d’un certain charme pourtant. Une marmotte effrayée par notre groupe s’esquive aussitôt. Tiens, donc ! Qu’y a-t-il derrière ce gros tertre rocheux que nous désigne Francis ? Il nous affirme qu’un groupe précédent y aurait vu, sortant d’une grotte à peine visible, un hominoïde tout juste vêtu, si l’on peut dire, d’un mince cache-sexe. Il pourrait s’agir d’un spécimen unique de l’espèce « Homo Belgicus Serre-filus », dont il n’y aurait aucune trace ailleurs… Qu’en pensent Dale et David, nos amis Australiens ?
Dans les herbes épaisses, couchées par la neige, petites pensées sauvages et colchiques réussissent à se frayer un passage. Poursuivant notre parcours en direction de la Crête de Lumineuse en suivant le cours du Torrent d’Aiguebelle, nous parvenons dans le haut de la cascade qui se forme chaque hiver à la fonte des neiges : les précipitations insuffisantes de l’hiver dernier ont tari le cours du torrent et, de la cascade, il ne reste qu’un filet d’eau sur les larges plaques de roche usées par le flot jadis impétueux. Le Marais de Raux que nous traversons ensuite est, quant à lui, encore bien humide, comme en témoignent les mares et les étangs que nous longeons ainsi que les résurgences qui alimentent le Torrent de Lumineuse. Il est vrai que nombreuses sont les sources sur ces versants de la Montagne de Céüse.
Et s’amorce maintenant la descente du retour parmi les pâturages par un joli sentier qui offre de belles perspectives vers le sommet de la Petite Céüse. La Route forestière des Breniers que nous rejoignons plus bas à Font Vieille nous conduira au carrefour de la Crête des Guérins qui nous ramènera à notre point de départ. Cette large piste serpente au pied de La Mère de l’Aygue et de la paroi des Blachettes au-dessus de laquelle nous nous trouvions, d’où chutent les torrents de Lumineuse et d’Aiguebelle. Il ne nous reste donc qu’à apprécier encore cet environnement avant de reprendre notre route vers les Baronnies…
Petite pause, on boit, on enlève les grosses chaussures… Alors, Céüse, ça use ? Plus de 18 km et environ 1000 mètres de dénivelée : une belle journée dont nous garderons de magnifiques images en tête.
La route des Gorges de la Méouge, bien que sinueuse, nous donnera encore quelques beaux clichés à savourer, à moins que les marcheurs fourbus ne se soient assoupis en voiture ? En tout cas, un grand merci à notre meneur, Jean-Pierre, pour cette aventure hors de nos sentiers battus.
Gérard Langlois.