Date : | 15/10/2015 |
Difficulté : | Modérée |
Accompagnateur : | F. Gierts |
Coordonnées UTM : | |
Participants : | 30 | Départ : | 31T 0700323 4816802 |
Longueur : | 12,5 km | Pique Nique : | |
Dénivelée : | 760 m | Difficulté IBP index : | 72 |
Carte IGN TOP 25 n° : | 3239 OT |
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Position par rapport à Buis-les-Baronnies : | 50 km NNE |
Commentaires techniques :
Départ de la place de la mairie du Village de Saint André de Rosans (Hautes Alpes).
Cet itinéraire se fait en majorité sur des sentiers non balisés, ou complètement abandonnés, de ce fait pas de possibilité réelle d'explication rationnelle, se contenter de suivre, avec un GPS précis la trace indiquée.
C. Malbois
Compte-rendu :
Le massif des Baronnies, ne l’oublions pas, s’étend jusque dans les Hautes-Alpes, notre département voisin. C’est là que nous emmène Francis, serre-file habituel, qui endosse aujourd’hui l’habit de meneur qui devrait lui seoir à merveille avec son beau béret vert de légionnaire. Ce secteur des Baronnies n’a pas été exploré par Randouveze depuis bien longtemps et la curiosité des 30 marcheurs est en éveil. L’objectif fixé est le Mont-Risou, montagne solitaire au milieu de prairies et de marnes bleues d’un bel effet. Le départ se fait du village de Saint-André de Rosans, petit bourg agricole de 148 habitants à l’écart de la route de Gap… Comme il arrive fréquemment, les Vauclusiens sont les premiers arrivés sur la placette devant la mairie, sous de beaux platanes. L’auberge qui lui fait face semble encore endormie. Dès l’arrivée de la troupe buxoise, l’intensité sonore passe un degré au-dessus et le départ est donné dans la bonne humeur malgré la fraîcheur relative de ce matin d’automne…
La rue principale est vite franchie et, tout de suite à droite, nous prenons le chemin qui nous mènera au pied du Risou. Mais notre élan est aussitôt brisé par notre guide qui nous arrête devant de majestueuses ruines inattendues en ce lieu champêtre : ce sont les vestiges du Prieuré de Saint-André de Rosans. En professionnel de la randonnée, activité certes physique mais qui est aussi le moyen de découvrir les beautés et spécificités d’un territoire, Francis nous expose ce qu’il faut en connaître. Le bâtiment fut érigé à la suite de la donation à l’Eglise de l’ensemble de ses terres, effectuée le 19 Avril 988 par un clerc nommé Richaud pour l’édification d’un prieuré dans le « Pagus rosanensis ». L’Abbaye de Cluny, puissante et riche abbaye immunitaire (c’est-à-dire rattachée directement au Pape) qui rayonna pendant plusieurs siècles, fut chargée de la gestion du prieuré. L’église d’origine fut remplacée par une semi-cathédrale dont la construction par les moines s’acheva vers 1170… Construite en grès roux du Rosannais, ce sont ses ruines que nous avons sous les yeux, avec de riches décors sculptés représentant notamment pampres et feuilles de vignes, en rappel à l’économie viticole de ce pays… Comble de précision, d’éminents spécialistes y ont reconnu la feuille du cépage « Paga debiti » typique de la région !!! Ces décors, l’allure très particulière de l’édifice et son côté majestueux en ce lieu bucolique et un peu perdu firent croire pendant très longtemps qu’il s’agissait là des ruines d’un temple dédié à Bacchus et non des vestiges d’une église !
Je sens de l’impatience dans les jambes de certains marcheurs, n’est-il pas vrai ? « Marchons, marchons !», entonne le chœur des Randouveziens. Merci, néanmoins à Francis pour ses recherches érudites. L’objectif est déjà en vue, on ne peut le rater ce Mont-Risou, bien planté là, dominant la prairie… Mais nous n’y sommes pas encore. Prenons le temps de nous retourner et de contempler le village avec, en premier plan, les ruines de la Priorale dans la légère brume matinale. Le sentier sans difficulté se prélasse dans un environnement de prairies et de labours que la grasse Normandie pourrait lui envier. Seule une borie de pierre sèche, dans le coin d’une pièce herbeuse vient nous rappeler que nous sommes encore en Provence… ou en Dauphiné ? En tête de la cohorte, Francis tout à coup s’arrête et plante là sa haute stature, en pleine lumière ! Nous aurait-il préparé une harangue pour doper les randonneurs paresseux ? Non, non, non ! C’est une devinette qu’il nous a préparée, nous incitant à regarder à nos pieds.
En effet, montant en pente douce, le sol forme un plateau constitué de plaques creusées par le temps : il s’agit d’un banc de grès, friable, sur lequel l’érosion a dessiné ces dalles apparentes. Formé il y a environ 110 millions d’années (albien, aptien ou barrémien ?) par la sédimentation de sables et de marnes, à l’emplacement d’une fosse sous-marine qui subit de violents mouvements et glissements de terrain, ce banc recèle une curiosité étonnante que nous allons découvrir un peu plus haut : d’énormes boules constituées de grès durci et compacté par la pression et la chaleur du sous-sol (de même nature que le matériau de surface). Il s’agit du phénomène de « concrétion diagénétique », précise Francis. Nous découvrons ce spectacle étonnant à loisir en parcourant le plateau du Serre d’Autruy. Le sol est jonché de petites billes plus dures et de nombreuses aspérités affleurent ainsi que d’énormes boules à demi enterrées qui se délitent en couches successives… Pour sourire un peu, plus bas au flanc de la paroi à nos pieds, certaines de ces boules suscitent quelques allusions imagées. Il est vrai que la ressemblance avec de plantureuses poitrines ou la partie charnue de géantes callipyges est assez saisissante. D’ailleurs, pour donner un peu de légitimité à nos triviales comparaisons, que de sérieux experts ont faites avant nous, précisons que les géologues anglo-saxons appelleraient « monroes » ces nodules gréseux (non, pas graisseux !) en référence à Marylin. Le fantasme s’arrêtera là car la réalité du moment nous ramène sur le sentier… Mais, néanmoins, quel site remarquable, à préserver absolument.
Reprenons nos esprits (pour ceux qui seraient restés sur ces images fellinesques) et cheminons à nouveau parmi les bruyères aux belles couleurs violettes et mauves, en admirant ce paysage doux et paisible en contrebas : nous sommes encore dans les Baronnies, mais c’est un autre aspect que nous découvrons. Nous irons ainsi à travers champs jusqu’à la ferme du Hameau de la Baume, humant au passage les effluves puissantes des troupeaux… Nouvelle halte pour ravitailler les plus affamés ou les gourmands, avant de repartir en montée à travers le bois. De bien appétissants grisets ne manquent pas d’arrêter encore les amateurs de champignons : c’est la tradition dans nos randonnées d’automne, qu’on se le dise, et rien n’empêchera les marcheurs de marquer une pause pour la cueillette si un « gisement » de champignons se révèle au bord du chemin. D’ailleurs, le sous-bois est embaumé de cette bonne odeur de terre humide si caractéristique.
Au bout du chemin, avant de réellement entreprendre la montée vers le Risou, le sentier se perd soudain parmi les genets où les plus petits disparaissent momentanément de la vue… Pourvu que nous n’en perdions pas un(e) ! Ces buissons agressifs ralentissent sérieusement la progression jusqu’à ce que nous parvenions enfin dans le haut du champ où nous allons pouvoir retrouver l’itinéraire… Ca y est, le morceau de bravoure est devant nous, l’escalade est bien lancée cette fois. La verte vallée s’élargit au fur et à mesure que nous montons. Levons les yeux quand même et admirons ces colonnades qui ont l’air de soutenir la paroi de la montagne dont les strates montrent une fois de plus l’histoire complexe des Baronnies : dans quelque temps (quelques millions d’années) ce seront de belles demoiselles coiffées. Une végétation dense faite de chênes pubescents, de pins sylvestres, d’amélanchiers et autres essences supra-méditerranéennes agrémente la pente. Le vent s’est levé et lorsque nous arrivons à la chapelle (1181 mètres) pour la pause du déjeuner, il ne fait pas très chaud malgré le soleil encore présent : l’abri au ras du sol est recherché. Le café sera partagé avec grand plaisir.
Ne traînons pas pour la descente, d’autant que Francis a prévu une attraction unique, le « Phallus d’Hercule » ! Prudence, n’allons pas trop vite pour redescendre ce chemin bien pentu qui nous a amenés là-haut… Et bientôt, la surprise apparaît, Francis nous désigne au bord du chemin ledit phallus… Non, ce n’est pas ce que vous pensiez ! L’objet se trouve plus haut, une ressemblance (lointaine) avec l’anatomie masculine pourrait une fois de plus susciter certains fantasmes… Quelle journée ! Y-a-t-il d’autres surprises du genre ? Lecteur, sois rassuré, il n’y aura plus d’allusions libidineuses : le sentier du retour sera sportif parfois avant de rejoindre une piste puis la petite route qui va nous mener à la ferme de Lidane mais il sera paisible. Petit arrêt pour échanger quelques mots avec le fermier : de jeunes chiots attirent toute la sollicitude de nos rudes marcheurs attendris.
Longeant les labours, au bord du ruisseau, nous rejoindrons le chemin qui remonte au-dessus du Ravin des Teyssonnières. Avant cela, un devoir de mémoire nous amène à observer une halte : c’est ici que Clément perdit une montre que d’autres Randouveziens retrouvèrent quelques années plus tard, au bord de l’eau… Authentique, miraculeux !!! N’aurait-il pas invoqué Saint-Antoine de Padoue ? Quelques hésitations pour retrouver le sentier qui semble se perdre, descend dans la caillasse pour remonter encore et nous amener à la Ferme du Collet… C’est un peu compliqué et il n’y a pas beaucoup de balisage. Qu’importe, un Randouvezien n’est jamais (ou presque) pris en défaut. Parvenus à cet endroit, le choix le plus judicieux sera fait de rejoindre par la piste directe Saint-André de Rosans qui n’est plus très loin afin d’épargner un peu les troupes. Une fin de randonnée tranquille et agréable avec le village en perspective au milieu des pâturages, une route longeant de beaux murs en pierre sèche, une douce lumière de fin d’après-midi… Et pour les moins pressés, la visite du village où l’on entre par la Porte Aurouze. Au fond d’un long et sombre soustet, les curieux découvriront une placette où se trouve l’église, ancien réfectoire du Prieuré : sous le porche, sont exposées les magnifiques mosaïques, uniques, découvertes dans les années 1980… La Tour Carrée datée de 1574… La Porte Ayguière… Et beaucoup d’autres curiosités qu’il faut prendre le temps de regarder. Marcheurs, n’oubliez-pas ce beau village où tant de vestiges, de ruelles et de façades restent à restaurer ! Merci à Francis de nous avoir permis de découvrir de tels trésors et de cette riche journée qui a sollicité nos mollets et nos méninges.
Gérard Langlois.