Les Glacières

 

Date : 16/10/2014
Difficulté : Modérée
Accompagnateur :  G. Biojoux
Coordonnées UTM :
Participants : 31
Départ : 31T 0684025 4889450 
Longueur : 18 km Pique Nique :
Dénivelée : 800 m Autres :
Carte IGN TOP 25 n° :  3140 ET
Position par rapport à Buis-les-Baronnies :  52 km S

 

Commentaires techniques :

Point de départ sur la départementale D974 poteau les Melettes (Alt 1143m) au point : (31T0684025 4889450). Suivre le GR91B azimut moyen : 265°jusqu'à la combe de Fiole en passant par Barragne, Jas de Serre, Jas du Mourre et le Jas de la Couanche. Au point (31T0681250 48890875), suivre la combe de Fiole azimut moyen : 30° jusqu'au poteau Petit Pierre. Au poteau prendre la direction du Chalet Reynard Azimut moyen : 110°sur la piste forestière. Au chalet Reynard, au point (31T0685575 4891450) prendre le PR qui serpente entre les chalets vers le vallon des Pointes, descendre jusqu'au poteau Barragne (31T 0684025 4889450) prendre à gauche azimut moyen : 115° jusqu'au poteau les Melettes.

G. Biojoux

Compte-rendu :

 Quel embarras devant la page blanche ! Le reportage photo réalisé par Jean sur la belle randonnée que nous a offerte Gérard sur les pentes du Ventoux Sud est superbe... A en rester coi... Quoi ?... Oui, coi, muet, quoi !... Ah oui, coi !... Ces images sont d'une beauté confondante, comment traduire en mots les lumières et les couleurs qu'il nous offre ? Il n'y manque que nos respirations haletantes, nos murmures d'extase et, pourquoi pas, quelques odeurs de terre humide, d'aiguilles de pin, de champignons. Jean, tu m'embêtes !
Comment commencer ? Je vous la joue... contre joue ? Non, c'est trop intime. Je vous la joue en musique ?... Je n'ai pas le son. Et pourtant, essayez d'imaginer un fond musical de Vivaldi ou, c'est une idée, Grieg ou encore Chopin... Bon, je vous ennuie et vous allez me dire qu'après dix lignes de texte le sujet n'est pas encore effleuré... Alors, que fais-tu (de paille, aurait dit Bobby Lapointe) ?
Nous partîmes 31 et nous nous vîmes 30 en arrivant au port... Partis du Jas des Mélettes à 1142 mètres d'altitude, notre apogée se situera à 1500 mètres au poteau du Petit Pierre et nous ferons 800 mètres de dénivelée, voilà pour les chiffres du rapport d'activités de la prochaine assemblée générale. Maintenant, en route pour les glacières du Ventoux, ou tout au moins les lieux où elles se trouvaient... Car les glacières n'étaient que des trous creusés dans les combes pour conserver la neige bien tassée et protégée par des amas de branchages afin de produire la glace destinée à conserver les aliments (et boire frais !), notamment pour les Papes en Avignon. Paradoxalement, c'est sur le versant méridional du Ventoux, le moins froid car exposé au soleil et plus accessible, que cette activité se développe au XVIème siècle, entre la Combe Fiole et la Combe du Grand Clos. Le commerce de la glace fit la fortune, dit-on, des habitants de Bedoin jusqu'au XIXème siècle : à cette époque, il existait encore 9 conserves de neige dans la localité. En 1865, l'invention par Charles Tellier d'une machine à fabriquer du froid industriel lui portera un coup fatal et l'activité disparaîtra en 1890. L'inventeur, mi-Picard mi-Normand, ne fera pas fortune pour autant et mourra dans la plus grande pauvreté à Paris en 1913.
Et quand partons-nous ? Gérard va donc nous emmener sur les traces de ces paysans, vêtus de peaux de bêtes, transformés en pourvoyeurs de froid. Mais, parvenir au lieu où se trouvaient les glacières, cela se mérite. L'itinéraire en partie balisé en « G » emprunte le GR 91B. Avant d'en arriver là, il faudra cheminer sur cette piste, ancienne draille ponctuée de bergeries témoignant du passé pastoral des pentes méridionales du Ventoux. Au passage, des patous attentifs à leur troupeau encore invisible nous préviennent qu'il ne faut pas trop approcher. Un peu plus loin, au Jas de Serre (1020 mètres), c'est une rencontre inattendue avec une bergère ( ?) volubile venue semble-t-il du Québec, entourée de ses chiens (terre-neuves, berger allemand, patous,...). Nous continuons à descendre (???) vers le Jas du Mourre (1043 mètres), pour nous diriger vers le Jas de la Couanche (1104 mètres). C'est un itinéraire que nous avons déjà emprunté (Circuit des Jas) auquel les couleurs d'automne donnent un charme indicible, c'est l'été indien provençal aux tons or, rouge, ocre, sur fond de verdure, brillants de rosée en perles de cristal. Encore merci à Jean de nous rendre la beauté de cette nature.
Ceux qui ne regardent pas les feuillages (pas l'effeuillage comme au Crazy Horse où les feuilles se font plus rares) ont plutôt tendance à regarder le sol, ce qui n'est pas idiot car l'humidité ambiante a rendu les pierres très glissantes sur ce sentier qui alterne montées et descentes. Les champignons sont maintenant sortis et les amateurs sont à l'affût. Il n'y aura pas une cueillette miraculeuse, mais ça occupe, cela permet au moins d'avancer sans compter les kilomètres. Les mycologues avertis font profiter leurs collègues d'un savoir précieux car c'est une question de vie ou de mort (oui, j'exagère car aucune victime n'a été déclarée depuis la création de Randouveze !). En tout cas, la bonne odeur de terreau humide caresse les narines en émoi.
Les sportifs piaffent : quand allons-nous vraiment marcher ? Patience, nous approchons de la Combe Fiole. Ce nom bizarre ne manque pas d'évoquer d'étranges breuvages aux vertus universelles. Une petite pause sémantique avant l'effort ? Et bien, sachez qu'il s'agit d'une déformation du nom provençal « Coumbo-Fiholo » (qui aurait dû être traduit en français par « Combe-Fillole »), « fiholo » désignant une petite rigole, non pas un petit flacon, en provençal « fiolo » (Merci à Renée, éminente linguiste provençale, pour cette explication). Après les neurones, les muscles vont se mettre en route : c'est parti pour une ascension rude mais régulière où les yeux et les mollets ressentent la même excitation. C'est un régal car un bel effort au milieu d'un tel décor, il faut que les Randouveziens soient gâtés par le sort pour avoir un tel privilège. Que diriez-vous de la Chevauchée des Walkyries comme fond musical ? Au passage, une ancienne charbonnière témoigne de l'activité humaine. Le Rocher de l'Aiguille montre la direction à mi-pente, nous obligeant à lever le regard vers le ciel d'un azur profond et l'observatoire du sommet du Ventoux qui dresse sa pointe blanc et rouge, à travers les feuilles. Pour permettre un regroupement, une halte se fera au pied de la paroi d'où les pierriers ont progressivement envahi la combe. Le paysage minéral, adouci par les couleurs chaudes des hêtres dont les feuilles commencent à tomber, est magnifique, somptueux, n'ayons pas peur des superlatifs. C'est un manuel de géologie vivant dans lequel nous nous trouvons, minuscules. Qui pourrait, dans cet environnement, ne pas être heureux de marcher ? Chacun atteindra, à son rythme, le sommet de la pente (poteau du Petit Pierre, 1518 mètres) où le pique-nique s'organisera illico : il n'est pas encore midi, la performance est remarquable ! Donnant le départ aux libations reconstituantes, notre serre-file clôturera le cortège des grimpeurs par une arrivée tambour battant sur un instrument improvisé car on trouve de tout sur les pentes du Ventoux.
Bien assis sur cette caillasse dont le Ventoux est une immense accumulation, la récupération est joyeuse comme il se doit. Le Jas des Pèlerins où certains Randouveziens aiment à se reposer n'est qu'à quelques dizaines de mètres au-dessus. Des promeneurs saluent notre troupe. En effet, la piste au bord de laquelle nous nous trouvons rejoint le Chalet Reynard : c'est par cette piste créée spécialement que le transport de la glace s'effectuait autrefois. Plus tard, les militaires, cantonnés au sommet du Géant de Provence pour la cause de notre défense nucléaire, l'aménageront pour leurs propres besoins ; il en reste quelques portions de bitume. Après nos agapes, nous l'emprunterons sur plusieurs kilomètres pour rejoindre le chalet : du terrain plat inhabituel pour nos mollets de chasseurs alpins. Bien évidemment, ce sera l'occasion de conversations de salon pour les uns et d'une marche bien rythmée pour d'autres, chacun prendra son plaisir comme il le sent. De ce balcon, une fois de plus, la vue est splendide : là-haut le sommet du Ventoux sur son promontoire de calcaire blanc, changeant de couleur au gré de la lumière, en bas une vue un peu embrumée vers la vallée et, tout au long du chemin les pierriers parsemés de grande galettes vertes, broussailles au ras du sol afin de se protéger du vent violent et glacial à cette altitude. Les pins ont repris le dessus sur les feuillus et donnent au décor la marque si particulière à ces pentes austères. Peu avant la fin de la piste, dans un virage, de très beaux hêtres, inattendus forment un bosquet où les branches tentaculaires s'entremêlent dans l'ombre.
Quelques centaines de mètres de bitume permettent de croiser les amateurs de vélo, l'œil rivé sur leur roue avant et fixant mentalement l'objectif mythique du sommet. Bon courage !... Il n'y a pas d'amateurs pour un arrêt à la terrasse du Chalet Reynard ? C'est ici que nous abandonnerons, néanmoins, notre amie Bernadette que nous reverrons tout à l'heure. Traversant le lotissement un peu hétéroclite de chalets dont l'entretien n'est pas le principal souci des occupants, nous rejoindrons la route que nous quitterons bientôt pour entamer l'ultime descente par le Vallon des Pointes, profondément creusé à certains endroits par le ruissellement des eaux. Retrouvant l'ombre des fayards, à peine traversée par le soleil de l'après-midi, nous allons ainsi cheminer tranquillement jusqu'à la piste empruntée au départ : la boucle est bouclée et nous retrouvons le Jas des Mélettes où Claudine, soudain émue par ces vieilles pierres se sent l'âme d'une bergère rameutant son troupeau. Le spectacle est très authentique !
Pour achever de prendre l'air du Ventoux, nous rejoindrons (en voiture, évidemment) Malaucène pour le pot traditionnel en empruntant la route du sommet et profiter encore des perspectives uniques que l'on peut découvrir de là-haut. Gérard nous aura gratifié d'une belle randonnée, certes classique mais à ne pas manquer.

G. Langlois.

 


 

Photographies : J. Gourault